Publié par La section Contrebande contenait un OCNI : objet cinématographique non identifié. Un court/moyen métrage, de 38 mn, réalisé uniquement à partir de capture d’écrans sur internet à propos d’une communauté américaine virulente, les célibataires involontaires, les incels.
Gala Hernandez Lopez est doctorante en théorie des médias et études cinématographiques à l’université Paris 8, où elle enseigne. Pour son doctorat d’État, « je devais, dit-elle, réaliser un film sur la capture d’écran comme dispositif d’écriture cinématographique ». Alors « célibataire » confie-t’elle, « je fréquente des sites de rencontre » et elle découvre la problématique des incels. Elle va explorer cette communauté, surtout nord-américaine, à partir de la lettre de l’un d’entre eux annonçant son suicide prochain. Une lettre qui la touche émotionnellement. « J’étais d’accord avec lui et ça m’a désolé. J’ai découvert des mecs fous, qui détestent les femmes et parfois tuent ». Mais en allant au-delà d’une première approche moralisatrice, elle qui se définit comme féministe, elle découvre aussi , précise t’elle, « une vraie souffrance humaine qui montre aussi la difficulté de la prise en charge psychiatrique aux USA, de type dépression, états suicidaires, schizophrénie ». A émergé alors de cette recherche la notion de capitalisme affectif, émotionnel, notamment à travers une application comme Tinder. « On n’est pas préparé à supporter les rejets systématiques sur Tinder » nous dit Gala Hernandez Lopez. Elle développe une certaine empathie à ces naufragés algorithmiques, malgré leur misogynie surdimensionnée.
Capture d’écran sur internet
Pour elle, « internet enferme dans des univers communautaires bien délimités » et cela rend fous les plus fragiles psychologiquement et les plus précaires. Elle dit, « j’ai changé de point de vue sur cette situation et j’ai développé une certaine empathie, seule solution face à cela ». Précisons que l’empathie signifie compréhension et non pas sympathie. Voilà pour le fond. Mais la forme est aussi très originale. Le film est construit uniquement à partir de capture d’écran sur internet, « J’avais la volonté , affirme Gala Hernandez Lopez, de montrer l’interface Youtube qui permet d’avoir le nombre de vues et les recommandations » et donc d’illustrer ainsi la navigation enfermante proposée par les algorithmes, sous-jacente à chaque site utilisé et en particulier Reddit et Tinder. Grâce à un montage bien rythmé, c’est assez plaisant à voir et cela a plu, car ce film a reçu trois récompenses au FIFIB : le prix de la meilleure auteure de court métrage toutes compétitions confondues/ France Télévision, le prix du meilleur court métrage de la compétition Contrebande/ Bref Cinéma et le grand prix de la compétition Contrebande. Une réussite totale très applaudie pendant la remise des prix.
Ah, un dernier mot. À la fin de son travail, Gala est retombée amoureuse.
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