Publié par Bordeaux est aussi le nom d’une ville fondée au Québec. Son histoire a été riche, son existence brève. Pourtant son nom perdure dans la Province.
Michel Bergeron, ethnologue à Québec indique, « Pour nous québecois Bordeaux évoque évidemment la ville française du vin, sans que nous sachions nécessairement la situer avec précision sur la carte de France, mais Bordeaux renvoie aussi à notre histoire. À un site dessiné dès l’origine de la Nouvelle-France, qui devient une ville où se construit au début du siècle dernier un grand pénitencier. Une localité bien vite annexée à la ville mère lors de l’expansion de Montréal.»
Une histoire riche
C’est un secteur du nord de l’île du Mont-Royal1, au bord des rapides de la Rivière des Prairies. Utilisés et contrôlés pendant des siècles par les iroquois ou les hurons, les lieux sont rapidement renommés par les premiers colons, Sault-au-Récollet2. Dès 1615, plus de trente ans avant la fondation de Montréal, Samuel de Champlain3 y assiste à la première messe célébrée en Nouvelle France. Une mission sulpicienne huronne, puis le fort Lorette s’y installent pendant les guerres iroquoises dans la seconde moitié du XVIIème siècle. Les seigneurs, prêtres sulpiciens concessionnaires de l’île, y octroient une dizaine de parcelles aux colons vers 1722. Base de son essor. L’aménagement de fermes, de digues avec moulins à scie, à laine et à farine y constituent rapidement un des plus important complexe proto-industriel du Canada. Vers 1879 le Comte Daeylar est l’origine de la toponymie du lieu. De souche girondine, il y achète une ferme et la divise en lots. Il donne alors à cet endroit le nom de sa ville natale : Bordeaux.
Urbanisation, annexion
« Comme dans de multiples lieux canadiens c’est l’arrivée du chemin de fer4, et aussi dans ce cas particulier celle du tramway électrique5, qui entraînent le désenclavement et l’urbanisation de cette zone, avec création d’une paroisse puis d’une municipalité », note l’anthropologue. Les premières habitations en pierres ou en planches à clin6 avec trottoirs en bois, autour d’une église, constituent la paroisse puis la municipalité Saint-Joseph de Bordeaux en 1898, ensuite avec le développement urbain se créent le village de Bordeaux en 1906, enfin la ville de Bordeaux l’année suivante. Existence brève puisque annexée à la ville de Montréal dès 1910. « Le nom de cette ville de Bordeaux reste présent, précise M. Bergeron avec la présence du quartier nord de Montréal appelé ‘Nouveau-Bordeaux‘, mais surtout à travers l’établissement carcéral qui y a été construit. Bien que cela n’ait jamais été son nom officiel les Québécois l’appellent tous, et depuis sa création, Prison de Bordeaux7». Et tous aussi, sans nul doute, préfèrent les plaisirs offerts par les vins de Bordeaux, même avec modération, aux contraintes d’un établissement pénitentiaire pourtant du même nom.
1 – Ancienne dénomination de l’île de Montréal
2 – Sault, en vieux français, signifie pour une rivière : rapides. Récollet : en hommage au prêtre missionnaire franciscain récollet Nicolas Viel qui s’y noya en 1625.
3 – Né vers 1567 en France à Brouage, mort en1635 à Québec, fondateur de la ville de Québec en 1608.
4 – Québec Montréal Otawa and Occidental Railway (QMOO -1876) et le chemin à lisses de colonisation du nord de Montréal (à l’origine en bois), repris par Canadian Pacific Railway (CPR -1882)
5 – Montréal Street Raylway Compagny (MSRC -1892)
6 – Bardages de bois légèrement chevauchés.
7 – Son nom officiel a toujours été : Établissement de détention de Montréal.
Le Sault au Récollet : http://archivesdemontreal.com/2014/11/24/chronique-montrealite-no-21-le-sault-au-recollet/
Histoire de la prison de Bordeaux de Montréal : http://proposmontreal.com/index.php/la-prison-de-bordeaux/
Image d’en tête : Station Bordeaux 1906/1907, Canadian Railway Pacific – Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, Rosemont-La-Petite-Prairie, carte postale CP 045275 CON, https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/4226518
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