Frankie Wallach est membre du jury Contrebande et courts-métrages. Cela veut dire voir 8 à 10 films par jour. Et, décider collectivement à qui remettre un prix. Comédienne, réalisatrice, comment s’y prend-t-elle ? À quoi est elle sensible ? Quel lien avec son parcours, en particulier la réalisation de son film ‘Trop d’amour’ projeté au FIFIB l’an dernier ?
La bio publiée dans le programme du FIFIB nous apprend que Frankie a 27 ans et que « elle se frotte à la comédie dès l’âge de 8 ans, et tourne pour Josée Dayan, Lisa Azuelos ou Simon Pastier ». Sans jamais suivre le moindre cours de théâtre. À 16 ans, elle arrête et après le bac file à Londres, à Kingston Collège, où elle apprend surtout la théorie du cinéma. Pendant 3 ans. Elle rédige un mémoire sur Léos Carax. Retour à Paris, elle fait l’Ecole du Jeu de Delphine Eliet, basée à la Goutte d’Or à Paris. Une approche très corporelle du jeu, peu psychologique. Elle qui avait la phobie des auteurs classiques finit par les découvrir, Victor Hugo par exemple. « Je me suis reconstruite ». Elle décide alors de « réaliser ses propres projets » et commence par un court métrage puis un long métrage, sur sa grand mère, Julia Wallach, rescapée des camps de concentration. Elle a présenté ce film au FIFIB l’an dernier. Mais « sans fête » en raison de la pandémie. Alors cette année, elle revient avec grand plaisir à Bordeaux pour siéger cette fois ci au jury Contrebande. Contrebande présente des films « réalisés en dehors des schémas classiques de financement, chaque film répond à sa façon au caractère nécessaire et urgent de la création ». Cette année, la section comprend 4 longs métrages et 7 courts métrages en compétition.
Comment attribuer un prix ?
« Comment ça se passe de l’autre côté ? Est-ce que ce sont toujours les mêmes films qui sont primés ? Comment décider d’attribuer un prix ? » Telles sont les questions que Frankie Wallach avait en arrivant. Depuis, elle a plongé dans le grand bain. Cela demande une « concentration permanente ». « On est dans l’analyse pure, en se méfiant des éventuels effets halo : un film trop bien filmé, trop léché, trop démonstratif mais finalement trop prévisible ». Elle aime se laisser emporter, être surprise. Sinon, elle s’ennuie très vite. Pour cela elle ne se documente pas avant sur le film et la personne qui l’a réalisée. Elle vient pour se sentir « remuée », « déplacée ». Elle regrette une « tendance à trop récompenser l’engagement politique, au détriment des comédies » qui en disent parfois autant sinon plus sur la vie. Malgré un rythme soutenu, elle trouve cette mission « plaisante ».
Un film d’autofiction
Il y a une cohérence et une continuité entre ce que dit Frankie Wallach sur son rôle en tant que jurée et la façon dont elle a réalisé son premier film ‘Trop d’amour‘. Un film pour dire son « amour » à sa famille, mais aussi lui dire « au revoir », savoir rire pour cacher sa pudeur. Dans une interview à Sessùn, elle qualifie son film de « feeling good movie infusé de la Shoah ». Elle raconte son histoire familiale à travers sa grand-mère, Julia, rescapée des camps de la mort mais qui « aujourd’hui sourit, danse, a fondé une famille, vit ». Pour démarrer son film, elle se lance dans un financement participatif et recueille 20 000 euros sur les 5 000 attendus et finit par rencontrer des producteurs qui la soutiennent. Son film balance entre réalité (elle joue son propre rôle, sa grand-mère et son père aussi) et fiction, avec des comédiens professionnels pour jouer le reste de la famille. De l’auto fiction en quelque sorte. Elle adore passer du rire aux larmes, et réciproquement. Son film a été acheté par Canal+ pour être diffusé via CanalPlay. « Vivre », voilà la leçon qu’elle retient de l’histoire de sa grand-mère. Et aussi, ce qu’elle aime retrouver dans les films qu’elle voit.
Frankie Wallach, cinéaste de la vie. Retenez bien ce nom.