Dans sa partie Jean-Loïc Le Quellec est un scientifique connu et reconnu : directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’art rupestre du Sahara mais aussi de la mythologie, il a également écrit plusieurs ouvrages en poitevin et sur la Vendée. Il vient de publier aux éditions du Détour « Avant nous le Déluge, l’humanité et ses mythes ». Le 4 janvier 2022, il est venu à la bibliothèque de Mériadeck, dans le cadre du projet Des Livres en Nouvelle-Aquitaine, présenter son ouvrage.
En préambule, Juliette Mathieu, co-fondatrice des éditions du Détour, a expliqué pourquoi cette publication était évidente, « nous sommes spécialisés sur les sciences humaines et nous cherchons des ouvrages rigoureux mais à la portée de toutes et tous. Outre l’intérêt du sujet lui-même, ce livre permet de mieux comprendre ce qu’est le travail des scientifiques« . Jean-Loïc Le Quellec a d’abord précisé la définition qu’il donne au mot mythe. Un mot très connoté, un mythe c’est une histoire fausse, d’ailleurs un mytho, c’est quelqu’un qui invente des histoires, ne dit pas la vérité. Mais, ce n’est pas si simple. Pour les anthropologues, un mythe dit le vrai au sein du peuple où il se raconte. Ce sont des récits qui apportent des réponses aux grandes questions de l’existence, du type : pourquoi le monde existe-t-il ? Comment a t-il été créé ? Pourquoi meurt-on ? C’est donc un récit, avec un retournement au centre de l’histoire. » Au commencement, il y avait ça, et puis il s’est passé quelque chose (le fameux retournement) et depuis c’est comme ça (et ça ne change plus). La plupart des mythes sont construits sur ce modèle, sur tous les continents. En fait, ce que nous appelons mythe, ce sont les histoires des autres car ce que nous reconnaissons comme nos propres vérités nous ne les qualifions pas de mythes« .
Comment différencier mythe et science ?
« Un mythe montre et dévoile, sans modification possible, la science démontre; et les modifications sont possibles. Il y a une opposition entre la discutabilité des thèses et la certitude d’avoir raison. On trouve de nombreux exemples contemporains. Joe Biden a-t-il vraiment gagné l’élection présidentielle américaine ? Un tiers des Américains sont convaincus que non. La pandémie actuelle donne aussi lieu à de nombreuses affirmations péremptoires et les discussions sont souvent impossibles » explique Jean-Loïc Le Quellec avant d’ajouter, « ill est faux de croire que les mythes ne concernent que les peuples dits « primitifs ». Ce sont les grandes explorations européennes entre les 16ème et le 19ème siècles qui ont permis le recueil des mythes, par des missionnaires, des administrateurs, des aventuriers donc dans des conditions particulièrement biaisées, puisqu’il s’agissait de démontrer la justification de la colonisation et de montrer la « supériorité » de la civilisation occidentale et de sa religion. C’est pourquoi la question du sens d’un mythe est particulièrement difficile. Cela nécessite de prendre un recul important par rapport à ses propres convictions« . Jean-Loïc Le Quellec a aussi évoqué les travaux de Claude Lévi-Strauss sur la pensée sauvage, le bricolage des mythes et leur recomposition de bric et de broc. Il parle de « supermarché mondial des croyances, de religions en kit : les gens gardent ce qui leur plait au détriment des religions révélées ». Une présentation passionnante, pleine d’humour et de bienveillance, parfois acide sur les prétentions scientifiques de certains auteurs. Cela donne un livre agréable à lire, illustrant le travail scientifique de questionnement et de remise en cause des connaissance mais aussi une meilleure compréhension des mythes et vérités contemporaines.
Informations pratiques
Avant nous le Déluge, l’humanité et ses mythes (260p, 21,90 euros)