La bibliothèque de Bordeaux conserve un fonds patrimonial exceptionnel avec en particulier les écrits des 3M (Montaigne, Montesquieu et Mauriac) mais aussi deux exemplaires d’atlas des cartographes Mercator et Hondius projetés au centre d’un événement qui se déroule jusqu’au 22 janvier 2022 à la bibliothèque Mériadeck.
Fin 2019, la bibliothèque lance une collecte auprès du public afin de restaurer les deux atlas du fonds datant respectivement de 1623 (version latine) et 1628 (version française). La restauration est confiée à l ‘Atelier Benoist à Ménigoute (Deux-Sèvres). Ce mécénat exemplaire conduit Yoann Burion (Directeur de la bibliothèque) à mettre l’accent, dans son édito, sur la nécessité «… de montrer et comprendre comment les cartes racontent à la fois l’histoire de la découverte du monde, les représentations et les imaginaires géographiques de ceux qui les construisent et les motivations de ceux qui les commandent ».
«Le monde comme en un miroir »
Mathématicien, cartographe, artisan graveur, théologien, Geert de Kremer alias Gérard Mercator bouleverse au XVIème siècle la représentation du monde en inventant un système de projection qui représente en deux dimensions la sphère terrestre. À partir des connaissances de son époque, son entreprise familiale va graver et produire en série des cartes du monde. Toutefois ces productions ne rencontreront pas un grand succès commercial. En 1604, Jodocus Hondius, lui-même cartographe, achète au petit-fils de Mercator l’atlas qu’il enrichit de nouvelles cartes mises en couleur à la main. Dès la première édition, le succès est au rendez-vous.
Dans ce siècle secoué par la révolution copernicienne qui suit « les grandes découvertes », l’atlas constitue une avancée majeure pour les navigateurs qui peuvent, dès lors, tracer leur route en coupant les méridiens à angles constants. Aujourd’hui, le laboratoire de sciences humaines Passage de l’université de Bordeaux Montaigne (partenaire de l’événement) travaille sur les « reconfigurations des spatialités et les changements globaux« . Sa représentante, Véronique André-Lamar, propose ici la lecture « d’un monde comme en un miroir, la carte étant un reflet de la connaissance du monde à un moment donné ».
Les limites de la représentation
Depuis l’Antiquité, les cartes sont le résultat d’une conjugaison de connaissances et d’imaginaire : une représentation du monde; c’est-à-dire un moyen de rendre présente une chose absente ou abstraite. Ce qui fait dire à Véronique André-Lamar «Une carte ne raconte pas un monde mais des mondes». Les cartes de Mercator prennent également leurs distances avec la réalité; centrées sur les pays de l’hémisphère nord, elles minimisent par exemple les dimensions de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Animé par une vision tiers-mondiste, l’historien Arno Peters publie en 1973 un atlas centré sur l’hémisphère sud avec lequel il «tient un discours» militant. L’exposition montre également les travaux d’artistes qui s’emparent de la cartographie pour faire émerger des représentations surprenantes comme celles de Clémentine Donini qui traduisent l’évolution des métropoles. Avec lame de fond (2019) Capucine Vever fait apparaître l’intensité du trafic maritime en haute mer. Les limites de la représentation amènent l’historien Guillaume Bourgeois à rappeler ce dicton de cartographe « Une carte est toujours fausse ».
En savoir plus :
Cette exposition s’inscrit dans une riche programmation : atelier, rencontres, conférences, projections.
Renseignements: https://bibliotheque.bordeaux.fr/patrimoine/les-atlas-de-mercator-le-monde-comme-en-un-miroir
Photo en-tête : Atlas restauré