Un regard sur la ferronnerie d’art à Bordeaux

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Parler de la ferronnerie bordelaise, c’est parler d’un élément décoratif dont la ville s’est richement dotée surtout au XVIIIe siècle, siècle d’or de la ferronnerie. À l’époque, l’évolution de cet artisanat est dû notamment à la corporation des serruriers de Bordeaux.

« Si le terme ferronnerie désigne aujourd’hui le travail du fer forgé, les nombreux ouvrages présents à Bordeaux étaient en fait sous l’Ancien Régime (fin XVIe jusqu’à fin XVIIIe), l’œuvre de serruriers » explique M. France Lacoue-Labarthe. Les artisans capables de travailler le fer d’ornement: balcons, rampe d’escalier, sont d’abord des serruriers qui de la simple serrure sont passés à la fabrication de grands ouvrages. L’engouement croissant pour l’ornement a entraîné beaucoup de changements dans l’architecture. C’est ainsi que la balustrade en pierre cède la place à la rampe en fer forgée, nouveauté encouragée par l’intendant Tourny qui a veillé à l’ordonnancement de Bordeaux à cette époque. Tourny en parlant d’escalier en fer forgé dira : « « Ce sera la plus belle pièce de la maison« . La ferronnerie a des qualités propres : plus riche que le bois, moins chère et plus légère que la pierre. Elle ne nécessite pas de support de maçonnerie, ce qui constitue un avantage certain dans une ville construite par endroits sur d’anciens marécages. Au début du XVIIIe siècle, on décide d’agrandir les fenêtres ; on ouvre des portes-fenêtres avec leurs balcons ou balconnets.

La corporation des serruriers

À l’époque, pour faire partie de la corporation des serruriers bordelais, il fallait être reçu Maître, étape inévitable pour tenir boutique. Le compagnon aspirant devait faire son apprentissage chez un maître pendant 4 à 5 ans, présenter un ouvrage de serrurerie de qualité examiné par un bayle ( sorte de juré dont la tache est de surveiller les différentes formes de contravention aux règles). Il devait aussi faire preuve de qualités morales, être catholique et entouré de parrains choisis parmi les anciens. La profession était bien réglementée, cependant de nombreux compagnons, non détenteurs de la maîtrise réussirent tout de même à s’établir à Bordeaux en dehors de tout contrôle de la jurande dans les sauvetés* de St Seurin, St André et Ste Croix. Quelques grands serruriers bordelais ont marqué cette période: Pierre Domaine, Adrien Tellier, Mathurin Fuet ou encore Blaise Charlut.

Les différents styles de modèle au XVIIIe siècle

L’art de Versailles devient un modèle pour la France et l’Europe. Les modèles adoptés à Bordeaux pour les demeures bourgeoises sont d’inspiration monarchique calqués sur l’art riche de Versailles. Ceux-ci étaient souvent reproduits à partir de planches gravées dont beaucoup sont attribuées au maître serrurier G. Vallée, que l’on peut retrouver dans les livres de l’architecte Louis Blanc publiés entre 1923 et 1928. Ces ouvrages répertorient toutes les oeuvres gravées des anciens maîtres serruriers et architectes du XVIe au XVIIIe siècle. L’utilisation de ces planches est très nette dans le quartier des riches négociants autour de la Rousselle. « Les dessins de Louis Blanc sont tout ce qui reste des ouvrages aujourd’hui disparus, c’est dire leur intérêt  » relate M.France Lacoue Labarthe. Beaucoup d’ouvrages importants ont subi l’outrage soit des révolutionnaires, soit des architectes bâtisseurs ou restaurateurs du 19e parfois peu respectueux des constructions vieillies, notamment les portes de ville monumentales: Chapeau Rouge, Tourny ou Intendance. Au style « classique Louis XIV et régence « du début, succèdera le style « rocaille  » visible dans les dessins d’orfèvrerie des architectes Gabriel (père et fils), très présents à Bordeaux. Puis vint le style « à la Grecque » montrant l’engouement pour l’art antique, très développé à Rome, vers la fin du 18e. C’est l’époque du néo-classicisme plus ou moins sévère ou le dessin se géométrise. Pour M. France Lacoue-labarthe ,« la grande tradition bordelaise du fer forgé utilisera parfois la fonte (fer fondu et moulé), deux techniques quelques fois employées conjointement pour un même ouvrage « .

Un regard d’aujourd’hui

Il suffit de lever la tête en déambulant dans les rues de Bordeaux pour être émerveillé par ses fiers balcons composés d’une rambarde en fer forgé finement travaillée, supportés par des corbeaux sculptés au thème souvent animalier (lion, aigle, chien, hippocampe); ou bien par ces balcons en encorbellement ou » sur trompe ondée ». La séduction se poursuit en pénétrant dans ces anciens hôtels particuliers avec leurs rampes d’escalier monumentales. Cet art décoratif sublime dont les motifs souvent empruntés au monde végétal: fleurons en feuilles d’eau, rinceaux, palmettes, joncs coudés, travaillés au rythme d’entrelacs et d’arabesques, séduisent l’œil du promeneur, même non initié. Aujourd’hui, les modèles de ferronnerie ancienne sont repris et travaillés au sein de la dernière forge de Bordeaux où Charly exerce ses talents et aura le mot de la fin: «  Je considère les ferronneries du 18e siècle comme étant les plus élégantes tant sur le plan esthétique que graphique «  ».

*Sauveté: Bourgade sous l’autorité de l’église créée dans le cadre du droit d’asile et de l’institution de la paix de Dieu, elle jouissait d’une garantie de non agression. Lieu franc ou l’immunité de l’individu est respectée .

** Corbeau: Élément saillant du mur, permettant de soutenir une corniche, un avant-corps et intégré dans le mur en une seule pièce, souvent sculptée à son extrémité.

Bibliographie:

-L’art du fer forgé en pays bordelais de Louis XV à la révolution de Marie-France Lacoue-Labarthe. -L’encyclopédie Serrurerie-Ferronnerie de Diderot et d’Alembert -Le fer forgé en France du XVIe au XVIIIe siècle de Louis Blanc

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