Le 11 novembre et ses commémorations approchent. Il est plus que temps d’évoquer les « fusillés pour l’exemple » oubliés des cérémonies de la guerre de 1914-1918. Très rarement évoqués par ailleurs. Une soirée-débat s’y consacre au cinéma Utopia à Bordeaux, Place Camille Julian, mardi 9 novembre à partir de 20 h 30.
Cette soirée est à l’initiative de La Libre Pensée en association avec les Mouvement de la Paix, Union Pacifiste, Association Républicaine des Anciens Combattants et Ligue des Droits de l’Homme. Une occasion pour projeter le film documentaire réalisé par Jean-Yves Croizé « Morts par la France » puis rencontrer les auteurs.
Plus de 100 ans après, la douleur reste toujours vive
«Le Mouvement de la Paix est partenaire du film « Morts pour la France » de Jean-Yves Croisé projeté mardi 9 novembre à l’Utopia de Bordeaux. Il s’inscrit dans le combat que ce mouvement mène pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Si ce combat est celui de la paix, il est aussi celui des injustices qui en temps de guerre mènent à des atrocités inacceptables. Dans un contexte mondial où des hommes, des femmes, des enfants, meurent sous les bombes, fuient la terreur, la peur, la misère, il est temps que s’élèvent des voix pour qu’ensemble nous construisions la paix pour laquelle ils sont morts. Les fusillés pour l’exemple font partie du combat du devoir de mémoire, pour ne pas oublier ce que ces hommes épris de vie et certainement de paix et de fraternité ont vécu » indique la présidente girondine du Mouvement de la Paix, Mme Nicole Lavallée qui précise « C’est aussi l’occasion d’une action de reconnaissance et d’hommage aux victimes de guerres et à leurs familles.». Ce film relate la construction d’une statue-hommage, monument dédié aux soldats fusillés pour l’exemple, de sa conception à son inauguration le 06 avril 2019 . Elle s’érige dans la commune picarde de Chauny, dans l’Aisne. L’occasion de suivre les témoignages, les recherches, les difficultés, les combats des familles concernées et de ceux qui les accompagnent. Évocations de la guerre et de tous les soldats injustement passés par les armes, du destin de leurs familles brisées, des accusations absurdes, et des mensonges*. « Encore aujourd’hui, les descendants de ces fusillés n’ont toujours pas, 100 ans après, surmonté les conséquences de ces condamnations à mort que les gens des villages, et même les familles, considéraient en général comme infamantes.», explique Claude Singer, membre de La Libre-Pensée. Auteur avec Jean-Yves Croizé il participera à la discussion qui suivra leur film au cinéma Utopia. Échanges salutaires à l’heure où les réhabilitations attendent, où les monuments aux morts en hommage aux fusillés pour l’exemple ou bien simplement pacifistes ne sont pas tous reconnus officiellement et sont exceptionnellement rares**.
Fusillés pour l’exemple. Toujours pas réhabilités
Les arguments ne manquent pas. En effet, le 3 août 1914 la France entre en guerre. Mobilisation des conscrits, trois jours après l’assassinat de Jean Jaurès, député socialiste et pacifiste***. Illusion alors d’une guerre éclair victorieuse des «Boches » en quelques semaines. La fleur au fusil. France nationaliste, revancharde de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace-Lorraine. Et ce fut en fait… La boucherie. Les boucheries. La Marne. La Somme. Les tranchées. Les obus, les gaz et les mines. Verdun. La « Grande » Guerre. Les gueules cassées. Et pendant plus de quatre ans tout au long desquels plus de 2500 soldats ont étés condamnés à mort, et près de 700 exécutés. Mutins, parfois, ou présumés. Déserteurs, souvent imaginaires. Incitateurs à la désertion, ou prétendus tels. Et ceux qui se seraient auto-mutilés pour inaptitude au combat ou auraient « failli à leur devoir ». Pour avoir reculé ou simplement hésité aussi. Ou bien tout bonnement en être soupçonné très souvent à tort. Traînés devant des Conseils de guerre. Alors, leur rendre hommage avec des monuments ? Laver l’infamie avec leur réhabilitation ? C’est toujours en suspend pour la plupart d’entre eux.
Aujourd’hui seule une cinquantaine de ces pioupious a été réhabilitée. Attendent encore cette réhabilitation, 629 condamnés et/ou exécutés qui sont « Morts par la France ».
Prévente des places au cinéma Utopia dès le 30 octobre. Tarif unique : 4,50 €
Éric
*Cf. l’histoire du soldat Lucien Jean-Baptiste Bersot, ouvrage d’Alain Scoff « Le Pantalon », Éditions Jean-Claude Lattès, 1998 ; (puis le téléfilm éponyme d’Yves Boisset).
**Quelques exemples. Dans la Creuse, Gentioux-Pigerolles, monument aux morts érigé en 1922, un orphelin désigne de son poing levé une apostrophe gravée : « Maudite soit la guerre« . Ignoré des autorités, ce monument n’a jamais été inauguré. Dans la Loire, Saint-Martin d’Estréaux, édifié en 1922 et inauguré seulement en 1947, les stèles indiquent « Si vis pacem, para pacem. » (Si tu veux la paix, prépare la paix), rappellent « 12 millions de morts. » ou encore « Des innocents au poteau d’exécution. ». Dans la Manche, Equeurdreville-Haineville, sur le socle du monument se lit « Que maudite soit la guerre. ». Dans le Rhône, celui de Saint-Appolinaire cite Paul Valéry : « La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui, eux, se connaissent mais ne se massacrent pas. »
*** Assassiné au Café du Croissant , 146 rue Montmartre à Paris, le soir du 31 juillet 1914 par l’étudiant nationaliste Raoul Villain. Ce dernier après avoir traversé la guerre à l’abris des combats, en prison, a été ensuite acquitté de ce meurtre en 1919 ! Il sera lui même abattu, en 1936, sur la plage d’Ibiza pendant la guerre d’Espagne, par les anarchistes selon Bernard Cornuaille (« Ces Champenois qui ont fait l’histoire », Éditions Papillon Rouge, 2018.)
Cinéma Utopia, 5 place Camille Julian, 33000 Bordeaux. Tél. 05 56 52 00 03