Ce 3 février, le Festival du film naval de Bordeaux a présenté à travers plusieurs documentaires le paquebot France, symbole des Trente Glorieuses et d’une certaine renaissance de la France. Cette fois, la projection était accompagnée de présentations, d’une maquette et documents. Et surtout de témoignages d’anciens personnels de bord présents dans la salle.
La Chartreuse Saint-André de Bordeaux accueille une soixantaine de connaisseurs passionnés, curieux ou nostalgiques, des membres du Cercle de la Marine, du Mérite maritime et du Seamen’s club. M. le Consul des États-Unis d’Amérique, Alexander Lipscomb, honore de sa présence cette séance en témoignage des relations France-USA. « le France y a été très bien accueilli. Les États-Unis d’Amérique possédaient déjà un paquebot de ligne transatlantique à l’époque, le United States. Il est encore à quai à Philadelphie en attente d’un projet le concernant ou de sa démolition*» précise A. Lipscomb. Certains ont emprunté le France, d’autres l’ont vu, « de leurs yeux », au Havre ou au Verdon par exemple. Dans la salle, une impressionnante maquette réalisée par un Girondin, Claude Arnathau, ancien maire de Montussan. Pas moins de six ans de travail pour cette réalisation précise au 200ème. Un affichage en éclaté permet de situer tous les éléments et infrastructures. Se retrouvent aussi des livres et des documents d’époque, notamment Paris Match et ses photos exceptionnelles à l’époque encore en noir et blanc. D’autres issus du France lui-même : menus, carte d’accès, photographies.
Soixantième anniversaire à l’heure près
C’est désormais sur un très grand écran que l’association diffuse ses productions en format 4K. Les dimensions et la prestance du plus grand paquebot du monde jusqu’en 2004 le méritent bien. « Nous débutons la séance ce 3 février à 15 heures, soixante ans exactement après l’appareillage de ce géant des mers au port du Havre le 3 février 1962 à 15 heures pour sa première traversée transatlantique. Le Havre – New York avec une escale à Southampton. Ce premier voyage sera aussi le premier avec du très gros temps ce qui permettra à tous de juger des bonnes qualités marine du navire. Filant 30 nœuds, il n’aura pas de retard », précise M. le Président Gaillard. Il nous invite alors pendant près d’une heure trente à visionner les courts métrages qu’il a réalisés. Ils illustrent la carrière du France : dimensions, cabines, performances, machines, passerelle, ponts, luxe, célébrités, gastronomie, spectacles, officiers. Classe touriste, personnels de bord, spectateurs extérieurs ne sont pas oubliés. Sans omettre la suite de sa carrière sous un nouveau nom, Norway.
Témoignages et ferveur
Ces films sont aussi commentés par Philippe Naud qui a eu l’occasion d’être artiste de bord, David Maxwell, officier commissaire de bord et Bernard Gaillard lui-même passager. L’occasion aussi d’une pensée émue, visiblement partagée, et d’hommages du président à d’autres girondins disparus membres de l’équipage : Michel Ducaunnes-Duval, officier mécanicien, Yves Bernard, cuisinier ou Bernard Leguillou, timonier, et au premier commandant Georges Croisile dont la fille sera présente en soirée. Ces films témoignent aussi de la ferveur et du nombre des spectateurs présents, tant lors de sa première traversée, sur les quais du Havre ou de New-York que lors d’escales ou encore de son escale au Port de Bordeaux, au Verdon, le 3 juin 1998, pourtant à 6 h 30 du matin sous son nouveau nom Norway. Les images montrent des milliers de personnes qui y assistent enthousiastes ou nostalgiques. Enfin, l’engouement pour le France est aussi démontré par les images de la célèbre vente aux enchères des souvenirs du navire, et notamment de son nez actuellement exposé au Havre.
France, Norway puis Blue Lady
France, Le France, super paquebot mythique de la Compagnie Générale Transatlantique symbole du luxe et du prestige français est commandé en 1956 par le président du Conseil Guy Mollet. Il est construit aux Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire. C’est un navire de ligne destiné aux passagers pour relier la France aux USA en cinq jours de voyage. Il embarque plus de 2000 passagers. En période hivernale, c’est aussi un navire de croisière. Plus grand paquebot du monde pendant plus de quarante ans (315, 66 mètres), avec ses deux moteurs à turbine, il est vite jugé non rentable au moment du premier choc pétrolier. Et peu concurrentiel, comparé aux nouveaux avions transatlantiques qui se développent, notamment le Boeing 707. Malgré des solutions possibles, l’aventure stoppe en 1974. Il est d’abord racheté par un homme d’affaire saoudien, Akram Ojjeh.
Puis très rapidement revendu à l’armement norvégien Klosters qui le modifie un peu, rajoute aussi deux ponts, et le rebaptise Norway. Une nouvelle carrière de navire de croisière s’en suit. Différente mais plus longue que la précédente. « Il a navigué plus longtemps sous pavillon norvégien que sous pavillon français. » témoigne David Maxwell. Dès 2006, Il est à nouveau vendu, ombre de lui-même, et rebaptisé Blue Lady. Ce dernier est dirigé vers Alang en Inde où il est démantelé jusqu’en 2009. Ce dernier épisode, trop chargé d’émotion pour bien des participants n’est pas évoqué en images pendant la séance.
« Il a épousé la mer »
La présentation se termine sous les applaudissements. Personne ne semble avoir oublié ce palace flottant dont le général De Gaulle avait dit : « Le paquebot France est lancé. Il a épousé la mer. La mer si redoutée et si désirée de peuples, la mer qui sépare les nations mais leur permet de se joindre… »
Éric
D’autres présentations sont programmées au Verdon ou à Saint Chrystoly Médoc par exemple. Renseignement Festival du Film Naval de Bordeaux, Bernard Gaillard : 06 66 05 63 34
* Surnommé The Big U lancé dix ans avant le France c’est le paquebot le plus rapide. Il détient depuis 1952 le Ruban Bleu, trophée octroyé pour le navire le plus rapide pour une traversée de l’Atlantique Nord, cela en 3 jours, 10 heures et 40 minutes.